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Benoît Vermersch

L’infidélité des clients et le digital ont-ils tué le processus de Vision dans le retail ?

Avoir une vision claire et précise de ce que l’on souhaite pour son retail, son restaurant, sa banque, son magasin, dans les 5 prochaines années est déjà̀ un grand défi. C’est pourtant LE gage de succès pour une enseigne.


Mais à l’heure où les comportements des consommateurs changent en permanence, où l’infidélité des clients et le digital brouillent les stratégies et où il faut chaque jour réinventer sa façon de vendre, une Vision sur 5 ans est-elle réaliste ?


Quelle est l’influence de l’infidélité des clients et de la transition digitale dans le retail ?


Le zapping est le fait que les clients passent d’un canal à un autre sans que ce soit prévisible. Les consommateurs « zappent » entre enseignes du retail et entre outils et supports numériques. Les consommateurs sont de moins en moins fidèles aux marques.


En conséquence, il faut de plus en plus d’efforts pour capter et retenir les clients. Autre conséquence : les attentes des clients sont de plus en plus élevées du fait de la largeur d’offre de produits et services qui leur sont proposés. Les critères d’achat sont de plus en plus exigeants et sophistiques. Par exemple sur un leader de la vente en ligne, la dernière étape de la commande permet de vérifier les modalités de livraison. A cette étape de nombreux clients opèrent des modifications selon les délais ou tarifs de livraisons annoncés afin d’être livres au plus vite et au moins cher.


Une des difficultés du zapping est la perte d’informations sur les clients et leurs habitudes ; en opposition avec l’époque des clients captifs, avec des cartes de fidélité́ et des habitudes stables. On perd donc des data de connaissance client.



Par ailleurs, plus les consommateurs zappent et changent d’enseigne, plus ils ont besoin de contact. Ils recherchent chaleur, accueil et personnalisation lorsqu’ils entrent dans un magasin, une enseigne de restaurant ou un réseau bancaire. Donc paradoxalement, l’irruption du zapping et la digitalisation dans le retail remet en avant le rôle du magasin et du conseiller de vente en leur donnant une importance cruciale mais différente :

  • Le magasin doit être totalement online et devient une étape du parcours à n’importe quel moment de l’acte d’achat (on peut regarder en magasin et acheter en ligne, voir en ligne et acheter en magasin, regarder sur smartphone et commander en magasin, ou en ligne, etc…)

  • Il y a des nouveaux outils en magasin (comme une célèbre enseigne de sport qui teste les cabines d’essayage virtuelles en magasin ou propose une borne tactile qui donne accès à des produits supplémentaires à ceux déjà̀ présents en magasin, ou donne des informations sur les produits).

  • Le conseiller de vente passe de la position de « sachant » qui délivre l’information, à la position de partenaire conseiller. Le plus souvent, c’est lui qui apprend du client, et donc son intérêt n’est plus de délivrer des informations mais d’aider le client à choisir et personnaliser des offres

De par cette multiplication des enseignes et des modes d’achat, les clients commencent à être perdus et donc de plus en plus zappeurs et donc de plus en plus exigeants.


Le 1er impact majeur pour les réseaux de retail est de repenser l’expérience client avec l’enseigne, quels que soient les supports de contact (physiques, humains ou digitaux), et quels que soient les moments de vie. Cela bouleverse donc l’approche du retail. Face à ces inconnues, traditionnellement les entreprises s’appuient sur leur stratégie et en particulier sur leur Vision qui est une manière plus créative et plus innovante de réinventer l’avenir en évitant de reproduire l’existant en l’améliorant, simplement.



Qu’est-ce qu’une Vision d’entreprise retail ?


Une Vision permet de poser une description de l’état futur qu’on désirerait pour son enseigne, son restaurant, sa banque, son réseau ; comment on l’imagine dans 3 à 5 ans, que ressentirait le client, comment le vivraient les équipes et comment aurait évolué l’environnement, etc…


De par l’accélération digitale et le zapping des clients, ce travail de Vision, qui projette dans l’avenir, doit être en évolution constante. Evolution en fonction de l’état du marché́, des analyses qu’on en fait. L’enseigne doit poser des hypothèses, multiplier les tests et les essais et entrer dans une logique essai/erreur. Le non-succès étant analysé comme une expérience pour progresser et non comme un échec source de critiques. Cela permet de rester ouvert aux opportunités qui pourraient apparaitre. La finalité́ de la vision d’entreprise reste la même : écrire des objectifs communs explicites, identifier ce que chacun devrait faire pour les atteindre, augmenter la probabilité́ de succès.


Généralement, une vision porte vers 3 à 5 ans et un grand nombre d’entreprises (comme le fait, par exemple, un des leaders de la vente de matériel de bricolage en France) se fixent une adaptation de cette Vision tous les ans ou tous les 2 ans. Il s’agit d’un travail d’imagination, de rêve et de visualisation. Il est nécessaire que ce soit très concret (exemples : quelle part de marché souhaitez-vous avoir conquis ? Combien de magasins voulez-vous avoir ? Quel nouveau service a-t-on mis au point ? Quel taux de satisfaction client ? Quelle fréquence de visite et d’achat client ? …).


Dans la Vision il y a une part de rêve mais il y a aussi une part de structure et de réalité́ qui ancre durablement ce qu’est l’entreprise. Il s’agit notamment de son ADN, d’écrire les fondements à long terme de l’entreprise, qui resteront quelle que soit l’évolution des marchés, des clients et des technologies.

  • D’abord, la vocation de l’enseigne (sa raison d’être, ses buts), répondre à la question « en quoi le monde serait différent si notre enseigne disparaissait, pourquoi elle existe ? ».

  • Ensuite, quelle est la mission de l’enseigne c’est-à-dire concrètement et opérationnellement quelles sont ses compétences spécifiques qui permettent de traduire concrètement la vocation. La mission suppose de se positionner par rapport aux concurrents et à ce qu’ils offrent.

  • Parmi les fondements de la Vision, il y a aussi l’ambition de l’entreprise : quel objectif se donne-t-elle à moyen terme. Cela peut être très concret (part de marché, nombre de clients, …) mais aussi qualitatif (rôle social, image perçue…).

  • Autre point très structurant de la Vision, ce sont les valeurs de l’enseigne ; ce en quoi on croit, ce qui nous semble essentiel dans la vie et dans la société́. Cela se traduit par des comportements souhaités et partagés au sein de l’enseigne.

Une fois ces fondements posés, on peut en déduire les priorités stratégiques et les plans d’action concrets, y compris les business plan.


Ce travail doit être réalisé en co-construction avec l’ensemble des équipes de l’enseigne (qu’elles soient directionnelles ou opérationnelles). Le modus operandi est grandement facilité par l’émergence des nouvelles technologies. Il doit également s’appuyer sur des cercles de travail et de rencontre et dans lequel la sincérité́, la bienveillance et le désir de partage doivent être authentiques. La Vision doit être co-construite afin d’être plus pertinente et plus juste. La co-construction permet d’optimiser l’application des dispositifs et également d’amplifier l’implication de chacun qui y verra le fruit de sa participation.


Par exemple, pour un de mes clients, une chaine de restauration, lors de la construction de la nouvelle Vision, on a associé l’ensemble des équipes par l’intermédiaire de représentants de chaque métier. Un comité́ a été́ constitué avec des serveuses, des cuisiniers, des directeurs de restaurants et des membres du comité́ de direction. Un voyage de découverte de la concurrence à l’étranger ainsi que des réunions de créativité́ et de co-construction ont été́ organisées ainsi que des mises en œuvre de tests. Ces actions ont débouché́ sur un nouveau concept avec une progression du CA de 30% à emplacement identique et surface égale. La Vision construite traitait de la projection à 5 ans jusqu’à l’application concrète en restaurant au jour le jour.



La Vision doit être concrète et pragmatique, donnant à chacun au quotidien, de gestes précis à mettre en place.


La Vision doit être communiquée en externe dans ses grandes aspirations (telle cette enseigne d’articles de sport qui se donne pour Vision l’accessibilité du sport à tous). En interne, cette Vision sera exposée dans le détail (cette même enseigne d’articles de sport parlera alors à ses équipes, d’augmenter le nombre de clients, la fréquence d’achat et le panier moyen).


Actuellement, la transversalité directe entre les clients et les équipes fait partie de la réalité du retail. Les souhaits des clients et des équipes doivent converger dans la construction de la Vision. Cette convergence s’exprime parfaitement au travers de la vision d’une chaîne leader d’électronique aux Etats-Unis. Cette enseigne s’est donné 4 valeurs de base : libérer les énergies de ses équipes, apprendre des défis et du changement, témoigner du respect, de l’humilité et de l’intégrité et enfin s’amuser en étant les meilleurs. Autre exemple : la Banque Royale du Canada « Toujours mériter le privilège d’être le 1er choix de nos clients.»


On juge de la qualité d’une Vision à sa capacité à exprimer des contraintes strictes et à être comprise et à enthousiasmer les personnes. Si on reprend la devise de la Banque Royale du Canada, on peut noter que chaque mot compte : « toujours » = constance, «mériter = considération, récompense », «être le 1er choix » = grande exigence. La Vision se décline dans chacun des métiers de chacune des personnes de la banque.

Quel est l’impact de la transition digitale sur la Vision d’entreprise ?


Dans un monde de plus en plus mouvant et de plus en plus incertain, les aspects structurants de la Vision vont être de plus en plus importants pour servir de repère. Il faut éviter de se diversifier de manière insuffisante ou inopportune. Les nouvelles Visions vont devoir intégrer des aptitudes, des comportements de mobilité, d’ouverture et de souplesse. Le changement va devenir une règle constante et l’irruption du digital va créer de nouveaux métiers, de nouveaux outils, de nouveaux comportements. Mais paradoxalement, le digital réhabilite l’humain et le magasin avec de nouvelles exigences. Les nouvelles Visions, à l’ère du digital vont exiger des plans d’action, de formation, d’information, de communication nouveaux pour les équipes. Elles vont changer les profils des opérationnels recherchés et leur donner un rôle différent mais essentiel dans le succès des Enseignes.


Un des dangers de la digitalisation par rapport à la Vision est de s’appuyer trop sur les outils en délaissant les équipes et les comportements. J’ai notamment conseillé une banque qui, croyant gagner du temps, avait construit un système digital orienté client sans y associer les équipes. Dans la traduction concrète de leur Vision par leurs équipes, les outils n’étaient pas appliqués ni utilisés et montraient un certain nombre de lacunes car trop théoriques. L’enjeu de ma mission était de réinsérer les outils créés dans le quotidien vécu des opérationnels en leur permettant de se les approprier et de les adapter à leur propre situation commerciale. Il s’est agi d’ateliers de travail avec des conseillers en agence avec une alternance de sensibilisation à la perception du client et de témoignage vécu en agence pour élaborer en commun des diagnostics et des solutions partagées.


Un certain nombre de points nouveaux font désormais irruption dans la détermination de la Vision d’une Enseigne, que ce soit dans le retail, la restauration, les réseaux ou les banques :

  • Un des plus remarquables est la poussée des achats sur mobile. Le client découvre, essaie et achète des produits et des services en temps réel et en toute facilité.

  • L’essor des achats «no canal » : commandes à renouvellement automatique, magasins Amazon Go, …

  • Désormais, avec l’intelligence artificielle, les systèmes vocaux, le big data, les outils ne deviennent plus un passage obligé mais sont proactifs et anticipent le comportement du client

  • Au passage, la multiplication des points de contacts augmente la potentialité́ des zones de friction ou des défaillances que l’Enseigne doit anticiper. Cela exige de créer pour l’Enseigne un univers unique et cohérent, que ce soit en digital, en réel ou sur les réseaux sociaux. D’ailleurs les nouveaux magasins type Amazon Go se débarrassent des contraintes historiques du retail (attente aux caisses, contraintes de paiement, délais de livraison longs, disponibilités de produits et services, …)

  • L’offre client devient hyper personnalisée : certains logiciels permettent d’analyser l’âge, le sexe, les vêtements voire l’humeur du client en magasin

  • L’aspect réassortiment et logistique est totalement repensé au prisme de l’automatisation

Cette hyper sophistication des outils digitaux qui gomment toutes les aspérités et difficultés traditionnelles du retail (temps d’attente, disponibilité́ du produit, surinformation, comparaison, …) vont libérer l’esprit du client qui va être totalement demandeur d’une relation humaine. Cependant, cette attente sera doublée d’une exigence d’attention, de présence et d’intelligence relationnelle et émotionnelle hors du commun. Le fait que le digital permette de se concentrer sur l’essentiel oblige le conseiller de vente à être dédié au client.


L’intérêt d’une Vision à l’heure du digital pour une enseigne c’est une réinvention marketing et commerciale complète. C’est l’accès à de nouveaux marchés, c’est une relation client renouvelée, c’est plus d’agilité pour l’entreprise, c’est un nouveau mode de co-construction en interne, c’est une image bien plus valorisée, c’est une offre différenciée spécifique. C’est le gros atout du digital : une petite Enseigne qui a 3 magasins dans une région sera perçue par ses clients soit localement, soit online, au même niveau qu’un grand retailer.


Plus que jamais, la Vision d’Entreprise, enrichie de nouvelles approches, est nécessaire pour relever les défis de l’infidélité des clients et de l’accélération digitale !

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